Référent « jungle »

À la lumière du témoignage de notre référent, découvrez l’âpre réalité de ces jeunes hommes de la « jungle ».

Laissez-moi vous partager une journée quotidienne, mais non banale, des jeunes du camp que j’accompagne depuis plusieurs années en tant que référent « jungle » de l’Association Usolid’A.

Le nombre varie depuis plusieurs années entre 35 et 55 membres sur le camp.

En réalité, c’est un squat composé de tonnelles collectives sous forme de dortoir. A l’intérieur de ces tonnelles ont été disposées des tentes individuelles achetées par l’Association Urgence Solid’Action.

Le camp se trouve dans un sous-bois sur un terrain privé. 

Généralement, les occupants du camp dorment la matinée puis se déplacent l’après-midi soit :

– à l’accueil de jour (structure municipale) pour prendre une douche et/ou laver du linge sur inscription ou encore pour recharger leurs téléphones portables, unique bien qu’ils possèdent et qui leur permet de rester en contact avec leurs familles et proches ;

– à l’accueil de jour d’une association locale pour recharger leurs téléphones, manger des viennoiseries et pâtisseries (invendus de 4 boulangeries).

Ils déambulent parfois l’après-midi dans les jardins municipaux ou dans les galeries marchandes à la recherche de chaleur ou pour se protéger des intempéries.

Puis le soir, vers 18h, certains se rendent à pied au restaurant solidaire associatif pour un repas chaud et équilibré. 

Un « dernier » repas est consommé sur le camp afin d’optimiser leurs forces avant la tentative quotidienne nocturne de rejoindre un pays tant désiré avec courage, force et désespoir et cela après avoir déjà parcouru près de 8000 km dans des conditions extrêmes.

Historique :

Le Samedi 16 Juin 2016, l’évacuation du camp de migrants fixe (squat) d’un terrain municipal abandonné est ordonnée.


En parallèle, d’effroyables guerres amenèrent encore plus de citoyens du monde à s’expatrier dans l’espoir de survivre, s’ajoutant à la longue liste de nationalités meurtries par la guerre qui empoisonne l’âme et dénature notre humanité collective.


De nouveau déménagés en 2017, les migrants trouvent soutien auprès de la communauté musulmane qui s’efforce de livrer à ses débuts des denrées alimentaires malgré leurs maigres moyens.


Accueillis en urgence par la généreuse communauté chrétienne, les migrants sont temporairement installés en l’une de leurs églises abandonnées. Une centaine de migrants y trouvent refuge.. pour un temps seulement.

En 2018, l’association locale coordonne le déménagement des migrants vers un nouveau squat fixe basé dans un sous-bois privé.


Ces citoyens du monde sont actuellement 55 à vivre dans ce sous-bois humide abrités par de fébriles bâches en plastique, se reposant dans des tentes individuelles ou dans des dortoirs collectifs sous d’anciennes tentes militaires rigides.


Lors de toutes ces années, j’ai découvert et (ré)appris la nature primordiale d’hospitalité et de fraternité qu’ils offrent à chacun(e) de leurs visiteurs.

Un accueil chaleureux et exceptionnel hors du commun et quasi-disparu de nos vie, nous, citoyens libres et privilégiés du globe.

Une compréhension concrète des ahadiths sur le devoir de fraternité et d’humanité qui incombe à chaque être humain envers son prochain, même issu de langues et cultures différentes.

Des souvenirs inoubliables accompagnent mes pensées depuis.


A l’heure à laquelle je rédige ces quelques lignes, 55 migrants ou sans abris ou sans-papiers ou citoyens du monde dorment, mangent, se lavent, vivent dans l’humidité d’un sous-bois à 3 km du souffle tempétueux de l’océan, d’origine afghanes généralement, des jeunes hommes de 15 à 40 ans, 70 % d’entre eux ont 22 ans.

Quant à nos frères, ils sont accompagnés de 3 générations de chats s’étant établies avec eux sur le camp, d’une compagnie de 8 poules offertes par une famille afin que ces dernières offrent des œufs frais quotidiennement. Ce sont ces êtres vivants qui partagent leur quotidien et participent à les humaniser.

Laissez-moi maintenant vous partager quelques anecdotes :

Un weekend de 2017, lors d’une livraison des surplus alimentaires de l’iftar (organisé par la mosquée de Cherbourg), les membres du camp m’invitent au coin du feu de bois (seule source de chaleur et de luminosité) afin de partager un lait chaud infusé de thé noir agrémenté d’un petit morceau de sucre. Je fus très étonné lorsqu’ils se levèrent à l’unisson afin de m’offrir la seconde place la plus confortable (une chaise avec un dossier en bon état). Dans un 1er temps, je déclinai poliment puis me dirigeai vers une grosse buche faisant office de siège. Ils me firent comprendre qu’elle était réservée comme plateau afin de poser la dernière tasse avec poignée qu’ils allaient me servir. Soudain, un homme sortit de l’obscurité. Il parlait français. Il s’appelait Jean et était avec eux afin de les aider à transporter des bidons de 20 litres d’eau près de la zone portuaire. Les présentations étant faites, les migrants le firent s’installer sur l’unique fauteuil et cela en raison de son âge.

Tous s’activèrent rapidement pour le servir. Ils se divisèrent ensuite en groupe afin de raviver le feu, découper le bois et préparer du riz à la vapeur (en étanchant avec un morceau de sac à pain). Puis quand chacun eut terminé sa tâche, une seconde tournée de thé au lait fut servie pour tous avec jeux d’échecs sur portable, chants islamiques traditionnels, tentatives de discussion variées en pashto, darrii, farçi, anglais et français mais surtout en langue des signes. Autour de nous, deux autres petits groupes. Les premiers regardaient les actualités internationales et tentaient de se rassurer (élections, loi immigration, etc). Quant aux autres, ils observaient la voie lactée en cette tiède nuit, un peu rêveurs.

Cette nuit où la notion de temps m’a absolument fait défaut m’a énormément appris sur la proximité religieuse que nous avons eu ensemble, eux et moi, sur la nature primordiale d’accueil qu’ils ont eu envers Jean et moi, sur la responsabilité individuelle du temps qui passe et sur notre manière personnelle de l’utiliser (en apprenant de La Création d’Allah et/ou des nations, des tribus et cultures diverses) ou de l’user.

Enfin, de retour à mon domicile, peu avant Fajr, je peine à trouver le sommeil car rempli d’émerveillement sur l’instant privilégié que j’avais vécu par la permission d’Allah puis par l’accueil fraternel et chaleureux de nos (mes) frères en islam.

Il est important de méditer, de se questionner. Sommes-nous capables d’une telle cohésion et d’un tel savoir-vivre dans le quotidien effroyable qu’ils affrontent au sein d’une colocation de 50 personnes dont le caractère tribal les définis mieux que le caractère national.

Pour moi, une soirée fraternelle au coin d’un feu vaut bien plus qu’une nuit chaude dans un hôtel. Une nuit de rappel est plus précieuse qu’un dars sur Tiktok. Un dernier plat généreux préparé avec de modestes moyens est bien plus consistant qu’un buffet sans limite.

Tout au long de l’année, l’Association Usolid’A se mobilise en faveur de nos frères en organisant des campagnes de financement ou des collectes de biens matériels (produits de première nécessité, denrées alimentaires, financement de kits de survie spécial grand froid, de tentes, sacs de couchages, couvertures, vêtements, chaussures…)

L’association Usolid’A est à la recherche de nouveaux contributeurs afin de soutenir cette cause et de mener à bien les objectifs fixés.

En conséquence, nous faisons appel à vous et à votre générosité afin de nous aider à pérenniser ce magnifique et indispensable projet par une participation financière, du montant que vous souhaitez, ou bien par une participation matérielle. Votre aide sera précieuse et nous aidera à concrétiser l’action pour laquelle nous nous battons chaque jour depuis 10 ans avec une conviction sans faille

Découvrez en images les actions et campagnes menées :

Découvrez le camp en images : https://usolida.org/le-camp-en-images/

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